Sera détaillée ci-après la spécificité des témoignages d’anciens prisonniers de guerre allemands et le rapport que ces témoignages entretiennent avec les mémoires nationales français et allemande. La région continue de jouer, par ailleurs, un rôle primordial dans l’économie nationale. Cet avis est partagé par l’un des témoins interrogés dans le cadre de mon travail, Egon Greisner. C’est en tout cas l’avis du ministère des Affaires étrangères lorsqu’il apprend en mai 1945 que les alliés proposent également de livrer 200 000 prisonniers allemands aux autorités italiennes en vue de la Reconstruction et alors même qu’on juge, au ministère, les besoins économiques italiens bien moindres qu’en France[50]. Car pour quelle autre raison les autorités auraient-elles demandé, soudainement, un si grand nombre de prisonniers en si peu de temps ? Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/84, courrier du ministre de la Population au ministre du Travail, 20 janvier 1946. (…) Dès mon arrivée, j’ai senti autour de moi une certaine méfiance entre Allemands et Français au point de craindre qu’à l’occasion, on inverse les rôles. Ainsi pour les PG mineurs, il est rappelé que les demandes d’équipement ne sont recevables qu’auprès du service d’approvisionnement des Houillères à Paris. La première s’occupe pour l’essentiel de la sécurité et de la discipline, la seconde de tout l’administratif ayant trait à la vie des prisonniers (entretien, ravitaillement) et de leurs travaux dans les mines. Cela étant dit, quelques jours plus tard, le délégué départemental du ministère de la Reconstruction alerte sa hiérarchie sur une pénurie de pain pour les prisonniers de cette même ville de Dunkerque[164]. La courbe « Agriculture » poursuit sa chute – à raison d’une diminution mensuelle des effectifs comprise entre 10 et 20 %[277] - alors que, comme il l’apparaît sur les graphiques 2 et 5, les effectifs des mines connaissent une baisse beaucoup plus modérée : l’extraction continue d'apparaître comme le grand secteur d'affectation prioritaire. Quoi qu’il soit, ce périodique vise, selon les autorités, plusieurs objectifs : informer les PG et travailleurs libres de l’actualité mondiale et plus particulièrement des actualités française et allemande, leur faire connaître leurs droits et devoirs, participer à la dénazification[38] et favoriser leur intégration à la vie française afin notamment de les inciter à s’engager comme travailleurs libre[364]. La crise initiée par le ministère des finances en ce printemps 1946 ne débouche donc pas, finalement, sur une remise en cause du système d’exploitation économique des prisonniers. Parmi les services dépendants de la Direction Générale des Prisonniers de Guerre, celui des gardes pose de nombreux problèmes en raison notamment du sous-effectif. « Le 14 juin 1947, on nous ordonna de partir, après que l’équipe eut été fortement réduite suite au transfert des plus âgés et des malades au camp de Rennes. Le témoignage atteste, avec force, d’un des abus commis par les soldats américains. Or le Nord constitue le principal bassin minier français. Dès lors, l’interdiction de Volk und Vaterland témoigne peut-être de la volonté française de prévenir la diffusion de publications orientées idéologiquement, a fortiori de publications procommunistes ou perçues comme telles. La concurrence d’autres événements contemporains – à la charge symbolique plus importante – et l’éventuelle nécessité de passer sous silence la mise au travail forcé d’un million d’Allemands à l’heure où, au cours des décennies suivantes, l'on assistait au rapprochement franco-allemand et à la construction européenne expliquent peut-être cet état de fait. Archives départementales du Nord (Lille) (archive citée Grégory Philippe), 27W38361/1, courrier du délégué départemental adjoint au délégué départemental de Lille (ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme), 12 novembre 1945. Ce courrier nous apprend également qu’est décidé, fin 1947, de faire subir aux optants un second examen médial à leur retour de congé eu égard à la situation sanitaire outre-Rhin. Toutefois, même dans les commandos les plus durs, les prisonniers semblent s’être organisés de manière que subsistent vie en société et occupations. Au vu des trois témoignages, il semble évident – et assez naturel – que les cadres de la Légion étrangère aient tiré profit des conditions matérielles de l’été 1945, en faisant miroiter aux prisonniers affamés des rations suffisantes. Par ailleurs, il est décidé fin 1947 de ne plus procéder au retrait de PG des employeurs non-prioritaires – employeurs particuliers, communes et même armées si tant est que le PG dont le retrait était étudié n’y ait pas été maltraité. L’infortuné travailleur clandestin sera arrêté, condamné à une peine de prison ferme avant d’être expulsé. Ainsi, si la rencontre avec celle qui allait devenir sa future épouse constitua sa principale motivation à son installation, Egon Greisner explique ne pas avoir éprouvé « de cas de conscience [à] rester dans l’ancien pays ennemi » mais, au contraire, avoir été porté, dès ce moment-là, par un sentiment de « sympathie » envers le peuple français, et ce en dépit de la réaction négative de son père, en Allemagne[38]. L’auteur envisage la possibilité d’y affecter 100 000, voire 200 000 hommes. Ce souvenir n’est pas daté mais, au vu de la formulation du témoignage, il est vraisemblablement postérieur à 1945. L’ouvrage de René Rémond et Janine Bourdin publié en 1972, Le Gouvernement de Vichy, 1940-1942, marque ce renouveau. Qui plus est, l’absence des prisonniers de guerre français et des déportés s’est fait durement sentir[57]. », il fixait dans les yeux le prisonnier. Encore en 1951, le nouvel Office du Haut Commissaire de l’ONU pour les Réfugiés refusera de prendre en charge les Allemands. L’ennemi d’hier, l'Allemagne, peut devenir un allié potentiel face à un ancien allié soviétique désormais redouté, tant en France qu’aux États-Unis. Selon les milieux diplomatiques, la pression constante exercée par les autorités américaines tient à plusieurs raisons[382]. Existe-t-il un point commun entre la vareuse impeccable et chamarre des photos de studio des permissionnaires du temps de paix et celle difforme et terne des interminables colonnes de prisonniers de la fin de guerre En regardant les innombrables photographies de soldatsde la Wehrmacht Heer prises entre 1935 et la dfaite de 1945, on peut raisonnablement se poser la question. De plus, comme en France, la peur d’attenter aux nouvelles relations franco-allemandes a pu peser sur la préservation de la mémoire. L’évolution des priorités économiques au fil des mois nous oblige à revenir au graphique no 2 intitulé « PG au travail dans les principales activités ». Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/86, Réponse du Ministre du Commerce, de la Reconstruction et de l'Urbanisme au Ministre des Affaires étrangères, 3 juillet 1947. Seuls demeurent les SS « bloqués », autrement dit, ceux appartenant à des unités suspectées de crimes de guerre. Au total, ce sont près de 20 000 prisonniers allemands qui décéderont au cours de leur captivité. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), Côte 770623/84, « La transformation des prisonniers de guerre en travailleurs libres », dans. Cette collaboration disait un haut fonctionnaire du Ministère du Travail s’écrit avec un "C" et permettra de contribuer ainsi à une entente mutuelle des 2 peuples, d'une manière autre que celle, ajouta en souriant le Français, ordonnée autrefois par Hitler et qui s’écrivait avec un "K". Avant sa dissolution en août 1945, elle publia 63 numéros de la revue Volk und Vaterland. En réalité, ce ne sont désormais plus tant les conditions matérielles qui pose problème mais le principe même de détention tant au niveau national qu’international. Ainsi, en signe de protestation, l’Union syndicale de l’Isère annonce son retrait de la Commission de Criblage de ce département par la voix de son prédisent. Toutefois, devant le flux de protestations des députés-maires et d’autres personnalités publiques, jusqu’à celle d’un Ministre de l’agriculture pourtant non directement concerné par la mesure[273], le Ministre du Travail accepte, au début de l’été 1947, de prolonger certains de ces commandos jusqu’au 1er octobre 1947[274]. Du reste, le nombre, somme toute présumé élevé, de prisonniers ayant fait le choix de s’installer en France à leur libération ou à l’issue de leur « travail libre » témoigne indirectement du fait que les mentalités des Français et des Allemands, anciens prisonniers, avaient suffisamment évolué pour que puisse se produire ce petit phénomène migratoire. Bien que le système du travail libre soit évoqué, pour la première fois, dans les documents officiels en 1946, et mis en place en 1947, on peut penser que les autorités s’y sont préparées bien avant cela, et peut-être même dès l’arrivée des premiers prisonniers, tant il est vite apparu que cette masse de travailleurs constituait un apport économique stratégique. Plusieurs de nos camarades sont blessés, tombent et sont piétinés par la foule hurlante, des hommes, des femmes et même des enfants ». Il fallait que ce soit des militaires relevant de l’infanterie et moi je dépendais de l’artillerie. Dans le Nord, les dernières poches de résistance allemande sont anéanties le 20 septembre 1944, à l’exception de celle de Dunkerque dont la réédition n’est obtenue que le 9 mai 1945[63]. Il est dès lors difficile de dresser un bilan économique fiable de la présence des PG dans la France de l'après-guerre. Comme le montre le chiffre de Philippe Boutté, peu d’entre eux ont profité du mois de permission pour s’échapper. Bien qu’il ne s’agisse pas de son objectif premier, l’ouvrage fournit un bon aperçu de ce qu’a pu être le quotidien de certains PG et surtout, de ce qu’a pu être la position des autorités françaises. « L’accueil à Dijon est très pénible. En septembre 1947, le général Buisson estime néanmoins que d’ici à la fin de l’année, les trois quarts des PG démineurs seraient relâchés. Il serait par ailleurs hasardeux de déterminer précisément quelles sont les parts respectives de responsabilité entre les autorités américaines et les autorités françaises. « L’état physique du personnel PG que nous ont passé les Américains est plutôt mauvais dans l’ensemble. Dans un premier temps, ce service dépendra du Général chef de l’état-major général de l’armée avant d’être directement placé sous la tutelle du ministère de la Guerre. Un soldat allemand mort, tué au cours de la contre-offensive allemande en Belgique-Luxembourg saillant, est abandonné sur un coin de rue dans le centre de Stavelot, Belgique, le 2 janvier 1945, alors que les combats se déplace sur le cours de la Bataille des Ardennes. Les rapatriés et assimilés bénéficiaires de la garantie de salaire ; Les rapatriés et assimilés qui sans être bénéficiaires d’une rémunération garantie ont droit à une priorité d’emploi ; Les PG des commandos doivent être libérables avant le, La commune doit avoir versé de manière régulière au compte du dépôt local le pécule des prisonniers à charge. Le commandant de compagnie a pu intervenir à temps. ». Figurant au nombre des pays d’Europe occidentale les plus durement éprouvés, le bilan de la guerre est, dans ce pays, particulièrement lourd. Qu’il y ait une corrélation ou non, la Croix-Rouge française alerte dans un courrier du 26 septembre le général de Gaulle. Cette dernière mesure a pour but de combler le manque d’uniformité des critères relatifs aux décisions prises par certaines commissions de criblages, manque d’uniformité déploré par le ministre. En septembre 1949, devant l’affluence des demandes d’exonération émises par d’anciens employeurs de PG débiteurs de l’IC, le Ministre du Travail prône la plus grande fermeté[286]. C’étaient, pour la plupart, de tout jeunes gens qui faisaient cela, abrutis par le maquis et remplis de haine. Or, comme nous l’avons vu, il est possible qu’au moins dans le Nord, les firmes locales auraient pu continuer à subvenir à une partie de ces besoins en équipement[102]. Cette difficulté méthodologique s’est probablement posée aux cadres de l’administration de l’époque et il est probable, pour cette raison, qu’aucune évaluation macro-économique fiable n’ait jamais été réalisée. Please try again. Une opération similaire a eu lieu, la veille, dans une localité de la Haute-Marne. Pourtant, en quelques mois, les Français finissent par accepter ces prisonniers allemands qui participent à la reconstruction nationale : « Avec le temps, et les liens du travail, les boches deviennent PG »[155]. Ainsi, en 1947 et 1948, les Commissions de criblages chargées des candidatures au travail libre motivent pour partie leur avis sur la « moralité » des PG candidats au travail libre, moralité consignée dans le dossier constitué par chaque commandant de dépôt. Au niveau régional, la Direction Régionale des Prisonniers de guerre (direction régionale des prisonniers de guerre) joue un rôle de « chef d’orchestre » entre d’une part, les services nécessaires à la gestion et à l’entretien des prisonniers (intendance, comptabilité, garde et hôpitaux) et d’autre part, les dépôts auxquels est rattaché chaque prisonnier. À la fin de l’année 1944, le seuil numérique critique n’a probablement pas encore été franchi. En octobre 1945, le général Patton assuma le contrôle de la 15e Armée, une armée de papier, en Allemagne occupée. Ces aides ne s’adressaient qu’aux seuls prisonniers rapatriés. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), Côte 770623/84, Courrier du ministre du Travail aux directeurs départementaux du Travail et de la Main-d’œuvre, « Introduction en France des familles de travailleurs libre », 15 juillet 1948. C’est aussi en 1945 qu’on assiste à la mise en place progressive d’une administration plus à même de prendre en charge ces centaines de milliers d’hommes et d’exploiter au mieux leur force de travail. Ce sont elles qui s’occupent des questions pratiques relatives à l’emploi des PG, notamment du traitement des demandes faites par des employeurs civils. Ce sont ces rapports riches en informations, intitulés « Situation de la main-d’œuvre étrangère », qui ont d’ailleurs permis la réalisation du tableau 1 et du graphique 5. C’est ce qui est détaillé dans la section suivante. Toujours est-il que la nouvelle administration est débordée par la gestion de ces milliers d’hommes et ce d’autant plus que les prisonniers livrés par les Américains – 70 % de l’effectif total[105] – arrivent dans un état physique lamentable. Ce qui suit s’inspire des articles suivants : Archives du ministère des affaires étrangères (Paris) (archive citée par Grégory Philippe), Série Z 22, Note émise par la direction des conventions administratives (Ministère des Affaires étrangères), 6 juin 1945. (...) Ils firent distribuer le même jour une ration supplémentaire ».